The Johnny Walker show ou les radios pirates
Qui fleure bon la soixantaine passée a connu peu ou prou les radios pirates dont les plus connues des années 60′ furent Radio Caroline ( 199/259m), Radio London (266m), Radio City pour ne citer qu’elles.
Toutes les trois anglo-saxonnes, les deux premières émettaient à partir de bateaux mais plus sûrement de rafiots se trouvant dans les eaux internationales, la troisième sur une plate-forme de défense anti-aérienne datant de la 2ème guerre mondiale.
Vous allez être surpris mais au zénith de sa gloire Radio Caroline avait 25 millions d’auditeurs, en Grande Bretagne, certes, c’était la cible, mais aussi en Belgique, en Hollande ( le pays) et sur le Nord-Ouest de la France, le scribouillard qui éructe ces lignes en faisait partie et garde religieusement des bandes magnétiques en 9,50 cms de cette époque…..
Pourquoi des radios Pirates se demande-t-on ?
Pour des jeunes cela ne signifie pas grand-chose actuellement, mais dans les années 60′ la bande FM ou plus exactement MF comme on disait à l’époque était vierge comme le jungle du même nom mis à part trois postes « d’ État « comme ils étaient reconnus : France Inter, de programme tout venant, France Musique, un peu plus élaboré mais classieuse et France Culture, franchement soporifique, le reste ? Rien pas un rad, pas une mob, rien comme aurait dit Coluche.
Changeons de mode d’émission et passons en Modulation d’Amplitude plus connue sous son petit nom de Grande Ondes ( GO) ou Ondes Longues LW in English) .
Là dessous qui qu’on trouve ? De la gauche vers la droite du cadran, un poste étranger lointain, Radio Luxembourg, Radio Monte Carlo mais très faiblard, la BBC (en anglais, très Oxfordien ou Cambridgien allez savoir), Europe n°1 ( ce qui sous-entendait qu’il y aurait d’autres numéros) oui numéro un avec des animateurs, de la musique, des infos, beaucoup de réclames, et quelques émissions pour les jeunes et tout à droite France Inter la même qu’en MF moins nette, plus facile à réceptionner , mais toujours hors des clous pour la jeunesse.
Et c’était partout pareil en Europe .
Alors imaginez qu’au milieu de cette ambiance feutrée, sur les Ondes Moyennes (OM) (MW) , d’un coup, déboule des groupes de Rock, ( Beatles, Rolling Stones, j’en passe et des meilleurs) de la pub anglaise ou internationale (we don’t care, on s’en fout), les premiers Jingles, les premiers charts ( Hit- Parades) , des animateurs branchés sur le 220, ça boostait fort et 24 h sur 24, animateurs qui bravaient d’ailleurs pas mal d’interdits tels que la sexualité, la drogue, parlaient le même langage que tous les jeunes et passaient de la musique interdite ou pire encore au yeux de la censure…
Envoyée balader la radio de Papa, ça répondait à une attente de cette jeunesse qui commençait à secouer fort le carcan sociétal, 68′ n’est pas loin…
Bien entendu Very Shocking au 10 Downing Street et chez la Queen !!!!
La BBc victorienne n’en demandait pas tant et n’en croyait pas ses écouteurs.
Mais les eaux internationales sont internationales….
Mais au fait ça partait d’où ces émissions ? Et bé de bateaux …….pirates.
Pour l’anecdote et pour enfoncer le clou Radio Caroline avait hissé le pavillon noir à tête de mort et tibias croisés agrémenté d’un pylône et d’éclairs symbolisant les émissions. Une provocation de plus car Jolly Roger était l’apanage des hors la loi, ce qui était d’ailleurs le cas dans le domaine des fréquences mais j’y reviendrai plus tard.
Donc au milieu de la Mer du Nord, de gros chalutiers avec un mât antenne démesuré ; à bord un inventaire à la Prévert, des marins pour le bateau, un diesel pour le groupe qui fournit le jus et il en faut, des animateurs, du matériel son, un ou des émetteurs, du personnel et du matos pour la logistique ( miam-miam, dodo et approvisionnements ) des réserves que sais-je encore et un raton laveur.
Avez vous essayé de faire tourner un vinyle par gros temps, pas simple, plus dangereux encore, poser le stylet et faire un commentaire en même temps sans renvoyer par dessus bord le dernier repas, alors que dehors le vent hurle et que les vagues passent par dessus bord, faut avoir un bonne dose d’abnégation ou d’amour du métier….
Mais ça marchait, musique et programmes en strates , le monde de la jeunesse était au rendez-vous filles comme gars.
Les revenus ? De la pub, cela, d’ailleurs sera un talon d’Achille et bien entendu une mise fonds conséquente.
Il fallait presque deux ans pour transformer un chalutier en bateau-radio-pirate.
Donc, disais-je des reins solides pour apporter les noisettes de bases dans l’affaire ; pour Radio Caroline, un Irlandais, ce qui n’étonnera personne, Ronan O’ Rahilly et pour Radio London l’Américain Don Pierson et le groupe financier Philip Birch.
Comme vous le voyez l’histoire balbutie, car à peine 20 ans plus tard les radios »libres » secouaient aussi le cocotier du Monopole.
Nous allons procéder par la suite, à des subdivisions ; la suite et fin des radios pirates, et, quoique terrestres, en bravant l’interdit Radio Luxembourg et Europe n°1 n’étaient-elles pirates ?
Que dire d’avant guerre de Radio Toulouse, première radio commerciale structurée et de haute puissance, du triste sort de Radio Andorre et de la Sofirad issue de la collaboration avec l’ennemi pour créer Radio Monte Carlo, pas simple tout çà.
Je vais essayer avec mes faibles lumières d’éclairer votre chemin sur la voie des radio non d’État.
Donc, à la prochaine si vous le voulez bien ……
Pour patienter vous pouvez écouter les jingles de Radio Caroline :
Trouvé dans les Panama-Papers, les débuts des radios locales by EPHEM…(1)
LES RADIOS LOCALES
par EPHEM
Je roule sur l’A13 en direction de Paris, le soleil brille, et la circulation est fluide. Ce matin, comme tous les jours, une musique douce venant de mon radio-réveil m’a tiré des bras de Morphée. Pendant que je prenais mon petit-déjeuner j’ai écouté les dernières nouvelles et Radio-Trafic pour connaître l’état de la route.
Je viens de franchir le péage de Mantes et la radio FM que j’écoute depuis mon départ (bravo et merci le RDS) se met à « crachouiller » comme si une autre radio « bavait » sur la même fréquence. Bizarre, bizarre ! Poursuivant ma route, cela n’a pas duré bien longtemps. Cependant, cela m’a fait penser à une époque déjà assez lointaine, du temps de l’apparition des radios locales et de leurs premiers balbutiements… Au fait, c’était quand ?… Vous dites ? Il y aurait autant d’années que çà ?
Si vous avez la trentaine, vous pensez sans doute que la bande FM a toujours ressemblé à ce qu’elle est aujourd’hui : eh bien non, ce n’est pas le cas et je vous propose de remonter le temps, et pour commencer, « dresser un état des lieux » daté des années 1975/1980.
A cette époque, lorsqu’on souhaite écouter de la musique à la radio on a les « Grandes Ondes » : France Inter, la radio d’état, concurrencée par des radios situées hors de l’hexagone telles Europe 1 et RTL. (plus la BBC, mais sans intérêt sauf pour les anglophiles). Au sud de la France, émettent en Ondes Moyennes, Radio Andorre et Radio Monte-Carlo. Pourquoi hors de l’Hexagone ? Pour respecter mais surtout contourner le sacro-saint monopole de la radiodiffusion française.
Europe 1 et RTL, radios généralistes, se démarquent par une tonalité plus moderne et utilisent un langage et une programmation musicale qui séduisent les jeunes auditeurs. De plus, n’ayant pas à se soumettre aux ordres donnés par le gouvernement français, elles adoptent une certaine liberté de parole, ce qui plaît beaucoup…
Toujours dans ces années 1975/1980 on peut écouter des programmes émis depuis déjà quelques années en Modulation de Fréquence mais le fameux monopole fait que la bande FM est utilisée par 3 programmes, France Inter (le même qu’en GO) France Musique et France Culture. La bande FM est en réalité sous-employée et le curseur du tuner peut explorer le cadran de 88 à 108 Mhz pour trouver ces 3 programmes (mais pas un de plus) en plusieurs points. Certes la qualité sonore est là: absence de parasites, confort d’écoute et… la stéréo ! Quant au contenu des programmes, rien qui satisfasse les teenagers …
L’attente en matière de musique moderne, actuelle, pluridisciplinaire et sans frontières se fait de plus en plus pressante et explique l’aventure assez surprenante des radios-pirates, telle Radio Caroline. Imaginez un émetteur placé sur un bateau ancré en Mer du Nord, diffusant en Ondes Moyennes, et cela malgré des conditions météo souvent difficiles ! Pour en arriver à cette solution, « il faut en vouloir » et surtout disposer de moyens financiers importants !
Soyons honnêtes : imaginons un instant qu’une brèche soit ouverte dans ce monopole tant décrié : qui, disposant de capitaux suffisants, pourrait créer une radio couvrant l’ensemble du territoire ? Comment rentabiliser une telle opération avec un matériel coûteux et particulièrement énergivore, même en Petites Ondes.
Si vous ne connaissez pas Allouis, ce petit village du Cher qui héberge les gigantesques antennes (350m) de France Inter en Grandes Ondes, je vous invite à consulter les pages Wikipédia qui lui sont consacrées. Outre les GO de France Inter, Il faut retenir que ce dispositif réparti sur plusieurs hectares, gère des antennes plus modestes, directionnelles et certaines peut-être stratégiques… Appelons cela « la voix de la France au-delà de nos frontières… »
Durant l’été 1977, passant quelques semaines en Italie dans une station balnéaire du Nord de l’Adriatique, j’avais été surpris de voir des jeunes ayant « bricolé » une radio avec un matériel assez hétéroclite mais fonctionnant en FM ! Certes, il s’agissait là d’une installation éphémère mais, compte tenu de l’amateurisme des bricolos et de la simplicité du matériel utilisé, le résultat était assez satisfaisant ! J’avais vu au passage que le pilote HF ne semblait pas être un montage amateur mais plutôt professionnel, ce qui signifie qu’à cette époque, des industriels italiens construisaient déjà ce matériel ! Pour ma part, je me suis pris à rêver …
1979 puis 1980, d’autres que moi ont fait le même constat et seraient prêts à tenter leur chance. Nous sommes en période pré-électorale pour la Présidentielle: parmi les nombreuses promesses d’un candidat, il est notamment question de la possibilité d’assouplir le monopole de la radiodiffusion française. Voilà un message reçu 5 sur 5 par ceux qui trépignent. Très rapidement quelques radios apparaissent sur les ondes, il faut dire qu’il reste de la place disponible sur la bande FM ! Certaines radios le font discrètement, d’autres au contraire revendiquent « un droit à l’antenne » et se placent dans une attitude d’opposition …
Hélas, le sacro-saint monopole est toujours en vigueur et quelques descentes de police ou gendarmerie règlent rapidement le problème : porteuse étranglée et saisie du matériel ! Patience, c’est peut-être l’affaire de quelques mois.
C’est dans ce contexte que vont apparaître les RADIOS (dites) LOCALES.
Mai 1981, un nouveau locataire ayant pour initiales F. M. arrive à l’Élysée. Non ! Ce n’est pas un gag, mais juste une coïncidence !
Sans trop se soucier des possibilités réelles octroyées aux éventuelles radios FM par le nouveau pouvoir, c’est l’effervescence un peu partout dans le pays. Quelques copains décident de passer à l’action, se réunissent, additionnent ce que chacun peut donner pour constituer le capital nécessaire à l’achat du matériel, et pour commencer créent une structure. Ce sera bien souvent une Association du type « loi 1901 donc à but non-lucratif » (on aura l’occasion d’en reparler) On trouve facilement un Président, vice-Président et un Trésorier (cela sera vite nécessaire !). On dépose les statuts auprès des services de la Préfecture en précisant que l’objet de l’Asso est la gestion d’une radio.
Et c’est le début de l’aventure : très vite, il faut trouver
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Un local et un endroit où placer l’antenne
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Une fréquence disponible et le matériel HF (pas courant comme matériel !)
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Un nom pour la radio, un nom qui sonne bien si possible !
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Un bon bricoleur ayant des notions de radiodiffusion, cela peut servir !
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etc, etc
Dans une situation qui tient du flou… pas toujours artistique, tant les autorités compétentes sont débordées, il est bien difficile de savoir qui contacter pour se mettre en conformité et déclarer la radio naissante. Assez surprenant, on aura dans les premiers temps, non pas l’autorisation d’émettre, mais seulement …
« une dérogation à l’interdiction d’émettre »
A suivre …
LES RADIOS LOCALES (suite 2)
par EPHEM
UN LOCAL POUR LA RADIO
Second semestre de 1981, nous sommes quelques amis désirant créer une radio FM et nous sommes à la recherche d’un local. Vu l’état des finances dont nous disposons, louer un bureau, une boutique, un petit studio est tout simplement exclu. De plus nous avons conscience qu’il faut aller vite. A la réflexion, il apparaît que ce local doit répondre à plusieurs critères :
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être accessible aux différentes personnes qui devront se relayer aux manettes
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être cependant sécurisé par crainte des indésirables, des voleurs ou du vandalisme
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être situé dans un milieu non bruyant ou assez bien insonorisé
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avoir un endroit à proximité pour disposer le mât qui supportera l’antenne
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être d’une surface suffisante pour pouvoir accueillir quelques invités à une émission.